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Soyez les bienvenus sur ce blog qui retrace mon périple d'une année et demie au Canada. J'espère qu'à travers celui-ci, vous pourrez découvrir en partie ce chaleureux et fantastique pays !
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Merci de votre visite, et bonne lecture !

Pour les amateurs de films, n'hésitez pas à visionner les vidéos que j'ai réalisées sur mon aventure canadienne !

10 août 2012

La Compagnie de la Baie d'Hudson, ou l'Histoire de la naissance du Canada

Arrivée d'Henry Hudson dans la grande baie
La colonisation du Canada débuta en 1534 avec la découverte du fleuve du Saint-Laurent par Jacques Cartier. Par ses bons rapports avec les autochtones, l’explorateur permit d’ouvrir la traite des fourrures, qui devint rapidement un commerce florissant. Un peu plus tard, le navigateur britannique Henry Hudson rechercha un passage vers l’Asie par le Nord et découvrit l’une des plus grandes baies au monde, qui porte aujourd’hui son nom. Il donna en outre son nom à la compagnie dont nous parlerons plus bas. L’explorateur fut également celui qui accosta le premier sur l’actuelle île de Manhattan, chose ironique un 11 septembre… Fait qui, aujourd’hui, vient alimenter encore d’avantage les théoriciens du complot dans leur recherche de vérité cachée.

Logo de la HBC

Mais bien plus tôt que la fondation supposée des Illuminati, la préoccupation première du Nouveau-Monde résidait dans le commerce de fourrures. Et la découverte de cette immense Baie d’Hudson (sur la côte de laquelle fut d'ailleurs trouvé des siècles plus tard le rocher le plus vieux au monde, datant de 4,3 milliards d’années), donna un accès incomparable aux territoires du Nord du Canada, et aux tribus friandes de breloques européennes. Deux aventuriers français connaisseurs de passages plus qu’utiles notamment par la baie d’Hudson, Pierre-Esprit Radisson et Médart Chouart des Groseilliers, cherchèrent à créer leur entreprise mais ne reçurent aucun soutien en Nouvelle-France. Ils s’adressèrent donc au Royaume de Grande-Bretagne. Ce dernier les aida à créer la Compagnie de la Baie d’Hudson (HBC) en 1670, société toujours existante à ce jour. Rapidement, celle-ci se dota de forces armées et érigea de puissants forts aux points stratégiques des routes commerciales dans les prairies canadiennes, affirmant ainsi peu à peu son monopole.

Le territoire de la HBC

Un siècle plus tard, la Nouvelle-France tombait aux mains de l’Angleterre. Et en 1782, la Compagnie du Nord-Ouest fut fondée à Montréal, entrant en lutte avec la HBC pour le commerce de fourrures et l’utilisation d’une même main d’œuvre métisse. Le combat commercial devint une guerre armée jusqu’à ce que le Gouvernement ne força en 1821 les deux belligérants à fusionner, tout en gardant le nom de la HBC. Le monopole devint indiscutable : la compagnie contrôlait l’intégralité du commerce de fourrures vers l’Ouest canadien. Elle possédait un territoire aussi  vaste que les États-Unis d’aujourd’hui, construisait ses propres forts où elle recueillait les peaux, envoyait des trappeurs toujours plus loin, et chose étonnante possédait et battait sa propre monnaie, ce qui aujourd’hui serait synonyme de souveraineté.

Mais dans toute société un monopole ne dure jamais éternellement. Celui de la HBC fut très fortement amoindri en 1868, lorsque le Parlement Britannique força la compagnie à céder la possession de son territoire au Canada, pays créé un an plus tôt, puis définitivement aboli en 1870, ouvrant à tous le commerce de peaux.

Un magasin La Baie, rue Sainte-Catherine
à Montréal
Au début du XXème siècle, la mode se transforma, reléguant la fourrure au rang d’accessoire. La HBC se vit dans l’obligation de se diversifier. Elle s’ouvra ainsi au commerce de détail, activité faisant aujourd’hui sa renommée, transformant ses postes de traite et inaugurant plus tard des grands magasins. Elle se lança également dans l’immobilier, vendant des lots de terrains aux colons fraîchement établis.
A ce jour, la HBC perdure encore, incarnant la personne morale la plus ancienne d’Amérique du Nord. L’intégralité de son offre distribuée au travers de ses différentes chaînes comble les deux tiers des besoins en achats des Canadiens, même si la concurrence est rude, à l’image du géant Wal-Mart ou de l’omniprésent Canadian Tire.

 Avec 340 ans d’existence, les archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson témoignent d’une richesse unique en matière d’Histoire, incarnant à elle seule celle du Canada tout entier.




Renaud TEILLARD

23 juil. 2012

Le combat des chefs


Le « fruit picking » continue dans l’Okanagan, en attendant les vendanges, bien plus rémunératrices. L’un de nos contrats nous emmène à Okanagan Falls, sur les rives du lac du même nom. Notre employeur, lui aussi d’origine indienne, possède une dizaine de vergers entre Kelowna et ici, nous proposant un travail quotidien étalé sur six semaines. Un contrat stable est certes sécurisant et attirant, mais au regard de la pauvreté des pommiers, nous n’y travaillerons que quelques jours.

La vue depuis mon "bureau"
L’environnement quant à lui, est unique. La vue sur le lac est splendide, le soleil omniprésent lui octroie des reflets ocre, et son eau pure offre un miroir aux collines dorées, tel qu’on pourrait croire à un immense tableau peint sur l’onde. Et un jour, alors que je travaille au sommet de mon échelle, j’entends un bruit sourd et proche, comme si quelqu’un tapait sur un arbre voisin du mien avec un bout de bois, et d’un rythme saccadé. En descendant de quelques échelons, j’aperçois deux cerfs majestueux, à quelques mètres de moi, qui s’affrontent violemment, bois contre bois. Si l’on en croit le nombre important de ramifications des cornes et leur pelage brun-roux surmonté d’une crinière jeune et peu épaisse, ils doivent être âgés de quatre ou cinq ans. Le combat est équitable et ouvert. Les deux mammifères s’examinent, se tournent autour semblant réfléchir à une stratégie d’attaque. Ils baissent la tête, se présentent élégamment leur armes, et effectuent un soudain bond vers l’avant. Le choc est impressionnant, me confortant dans l’idée de profiter du spectacle du haut de mon échelle. Les bois s’entremêlent, se frottent, s’accrochent et se coincent. Un brusque retrait mutuel, un bref recul, une ruade incisive et le duel reprend son cours. Je m’interroge sur les raisons de ce combat : est-ce pour revendiquer un territoire ? Cette hypothèse me paraît rapidement infondée, puisque les cervidés s’affrontent dans un verger, donc pas un lieu de résidence convenable pour eux. Est-ce un match amical, un entraînement pour affûter leurs bois, pour parfaire leur technique ? Là aussi, l’engagement des deux mammifères montre un certain enjeu à la rencontre. Je comprends rapidement le contexte lorsque j’aperçois de l’autre côté du champ un groupe de trois jeunes biches, suivies de quelques faons intimidés par la majesté de leurs aînés guerriers, et dont la maladresse de certains démontre même un âge très jeune.  La période de rut touchant à sa fin, c’est sûrement leur dernière aventure que ces mâles négocient. Leur simple fierté pourrait également être en jeu. Pour ma part, j’aime à penser que les deux cerfs revendiquent chacun la paternité des adorables faons…

Le combat des chefs

La chasse est ouverte...
Sans vainqueur ni vaincu, le duel s’achève. Les deux protagonistes s’en vont chacun de leur côté, tels deux princes qui signent une trêve, réalisant que le match est nul. Les biches, quant à elles, peuvent être tranquilles sachant qu’elles n’auront à subir aucune cour. Sereinement,  elles se dirigent vers nos bennes remplies de pommes, et se servent insolemment du fruit de notre travail. Intimidé par ces œuvres de la nature, je ne sais trop quoi faire. C’est alors que j’entends le propriétaire accourir et jurer contre les pillards. Me sentant libre d’user de mon droit de protestation, je décroche une pomme et m’en sert comme argument de négociation. Tel David, je la leur jette et atteint l’une des biches en plein cœur. « Get the f*** out of here ! These are mine ! » Comprenant que leur présence est indésirable, la famille emprunte nonchalamment le chemin du retour, se retournant vers moi à quelques reprises en me jetant des regards qui, selon moi ne peuvent signifier qu’une unique chose : « not even hurt, mate ! »






Renaud TEILLARD


7 juil. 2012

Un nouveau contrat


Entre deux contrats, nous passons quelques jours à Vancouver, où nos amis Aymeric et Alice font escale. Pour effectuer une rapide piqûre de rappel, Aymeric et moi étudions dans le même collège en 1999, au LIF (Lycée International Français) de Jakarta, en Indonésie. Et c’est par la plus hasardeuse des rencontres que nous nous étions retrouvés à Montréal, en allant chercher notre numéro d’assurance sociale, douze longues années plus tard. Ensemble, ainsi qu’avec Alice et Renato, nous avions fait l’acquisition d’un van que nous avions réparé, réaménagé, puis finalement laissé entre les mains d’un Québécois qui, faute de parvenir à le vendre, l’avait vendu à une casse, ou « cour à scrap », pour la magnifique somme de 350$. Nous nous étions scindés en deux groupes, Renato et moi partant découvrir l’Ouest canadien, et les deux tourtereaux faisant l’acquisition d’un monospace pour suivre l’itinéraire que nous avions planifié ensemble.
L'intérieur du van, objet de mille joies et douleurs

Nous nous retrouvons à Vancouver quelques mois plus tard. C’est un véritable plaisir que de les revoir, et tant de choses sont dites. Ils nous racontent leur voyage à l’Est, où ils ont pu découvrir le Lac Saint-Jean, la Gaspésie, le Nouveau-Brunswick, puis leur traversée d’un continent à l’autre par les Etats-Unis d’Amérique, et leur mésaventure mécanique dans le Montana, état maudit vu la déconvenue qu’a également connu notre ancienne colocataire Anna où son véhicule a rendu l’âme. Nous leur racontons en parallèle nos aventures parfois irréalistes à Vancouver puis dans l’Okanagan, la facilité à y trouver du travail, l’extravagance de certaines de nos rencontres,…
Ils nous apprennent qu’ils partiront quelques jours plus tard en croisière, sur le voilier d’un ami, pour voguer un mois durant sur les eaux cristallines de la Mer des Caraïbes. La vie est belle… Nous nous remémorons également ces merveilleux moments passées dans l’ancienne capitale du Canada, les longues fêtes costumées, et surtout les heures passées à travailler sur le van, riant à gorge déployées que nous permet le recul et la digestion permise par le temps qui a passé entre-temps.

Mes compagnons Alice, Aymeric et Renato
Après ces heureuses retrouvailles, nos chemins se séparent pour la deuxième fois, en sachant que nous nous reverrons dans les Rocheuses quelques mois plus tard. Il est temps pour Renato et moi-même de retourner à nos pommiers. Quelques heures de trajet à travers monts abrupts et vaux encaissés. Nous quittons la chaîne côtière et pénétrons dans la vallée de Similkamen, rattachée à l’Okanagan. Nous voici revenus à Oliver, et devons récolter le fruit d’Abjit.

Le lendemain matin, nous nous rendons sur son verger, et négocions un prix à la benne. Etant donné la facilité attendue et la richesse de la récolte, le tarif obtenu est légèrement inférieur à la moyenne du marché. Nous nous attelons rapidement à la tâche. A la fin du jour, nous obtenons chacun 110$, en ayant adopté un rythme assez convenable, et fixons un objectifs plus ambitieux pour le lendemain.

Un "picking" plus agréable
Nous restons sur ce contrat une dizaine de jours, et rencontrons différents « pickers » dont Tom, un Canadien natif de la région, et âgé de cinquante-sept ans. L’homme a vécu quelques années de l’autre côté de la frontière puis en a été chassé pour une raison que nous ne découvrirons jamais, ce qui entame notre curiosité d’autant plus grande qu’on lui donnerait le bon dieu sans confession. Mais par-dessus tout, il attire notre plus grand respect, lorsqu’il nous apprend travailler ainsi chaque été lors de congés, depuis de nombreuses années, et son âge ne l’empêche point de travailler plus efficacement que nous. Nous découvrirons par la suite que la situation de cet homme n’est pas unique, et que nombreux sont ceux qui, au lieu de dépenser de l’argent pendant les vacances, consacrent les leurs à gagner près de 10.000$ en moins de six semaines, grâce à une technique améliorée avec les ans.






Renaud TEILLARD


22 juin 2012

Le "picking" continue


Plusieurs semaines durant, nous travaillons dans les rangées de pommiers Gala, McIntosh, Fuji et autres Red Delicious. Certains arbres nous toisent de toute leur hauteur, narguant nos échelles souvent trop courtes et obligeant nos corps à gagner en souplesse. Cependant, lorsque les branches de certains d’entre eux sont suffisamment solides, je me permets de grimper jusqu’à leur sommet et d’admirer une vue fantastique sur l’Okanagan. Et de contempler ce travail titanesque réalisé par les ancêtres de mon employeur : cette masse verte au milieu d’un désert ocre et sec, cette vallée luxuriante encadrée de collines de sable rocailleuses, cette fraîcheur humaine face à la dureté naturelle.


Un matin autour du "feu"
Après une rude journée de labeur, quel plaisir de marcher une demie minute pour rentrer chez soi, ouvrir le frigidaire et décapsuler la récompense attendue depuis des heures, discutant et riant avec mon collègue Renato. L’homme est de surcroît fin cuisinier, avec un projet de reprise de restaurant liégeois. Je profite chaque soir d’un délicieux souper, même si sommaire.
Mais une malheureuse mésaventure viendra entamer l’un de nos dîners. Nos prédécesseurs nous ayant légué de nombreuses victuailles, nous nous servons à cœur joie : riz et pâtes, épices, sauces,… Un soir, nous décidons de préparer  du riz. Renato choisissant un mode de préparation différent du mien, je fais griller ma part, en ajoutant du curry. Me délectant et parvenant à la fin de mon repas, mon confrère s’exclame : « Oh non, il y a des vers dans le riz !» Ne me restant que deux ou trois bouchées, je me dépêche de terminer mon plat, avant que le message ne franchisse toutes les étapes de la transmission neuronale, et ne se transforme en dégoût de l’aliment et de moi-même. Je me lève ensuite et viens examiner la casserole, puis le sachet de riz. J’y vois effectivement de très nombreux petits asticots, de la taille et de la couleur d’un grain de riz. Infect et si repoussant ! Le pire demeure définitivement le fait que nous avons préparé ce riz au moins trois fois auparavant, sans même nous rendre compte de la gravité de la situation… Enfin, le ver est une excellente source de protéines, dit-on…
Une vallée verte au Nord d'un désert


Après quelques semaines de cueillette chez notre ami portugais, récoltant l’intégralité de sa production, l’heure vient pour nous de trouver de nouveaux contrats. Fort gentiment, Rick nous propose de rester chez lui, mais cette fois en lui réglant un loyer journalier, qui sera fixé à 5$ (divisé par deux personnes) pour régler les consommations courantes. Nous nous mettons en route vers les vergers des alentours. Nous suivons les chemins sinueux tracés au milieu de cette végétation dense bien que récente, nous arrêtant çà et là pour discuter avec des fermiers, leur demandant parfois conseil. Durant ces quêtes, une phrase devient récurrente, voire même automatique : « hello ! Are you looking for workers ? »
Au bout de quelques heures, nous rencontrons un jeune ménage d’Indiens, d’origine punjabi eux également :  Abjit et son épouse Grhalakshmi . Ils habitent une ravissante maison sur les flancs ouest de la vallée, quelques kilomètres au Sud de la ville d’Oliver. Sont plantés dans leur jardin une trentaine de pommiers, principalement des Galas. A la différence de chez Rick, les arbres sont extrêmement faciles à atteindre : leur pousse a été maîtrisée à l’aide d’un tuteur, restreignant le diamètre à moins d’un mètre, et rendant le « picking » bien plus efficace, puisque supprimant une grande partie des déplacements au sol. L’homme nous propose de débuter le travail quelques jours plus tard. Par effet d’aubaine, nos amis Aymeric et Alice sont de passage à Vancouver pour une semaine.


Nous troquons donc nos loques de travailleurs trouées et sales contre des vêtements de touristes propres et élégants, et avalons dès le lendemain les quelques kilomètres nous séparant de « Tha Couv »… 400 bornes, à l’échelle canadienne, dieu que c’est peu !













Des pommes Fuji








5 juin 2012

Vidéo personnelle de Banff

Mon aventure au Canada se termine par les Rocheuses de l'Alberta, et plus spécifiquement à Banff, où j'aurai notamment passé la saison d'hiver. Pour synthétiser cette fin de parcours, profitez de cette vidéo, également disponible sur Youtube.








Renaud TEILLARD

24 mai 2012

Un premier contrat stable


Rick Duarte est un jeune fermier d’apparence discrète, mais montrant une certaine classe sociale aisée, à l’image de sa politesse omniprésente, de son élégance vestimentaire même lors de ses travaux fermiers, et de sa culture. L’homme est né de parents portugais ayant émigré au Canada et construit une exploitation de près de mille pommiers et cerisiers. Notre nouvel employeur en a hérité et a par la suite épousé une jolie Canadienne de la région de l'Okanagan, dont nous verrons rarement les traits, et enceinte de quelques mois d’un petit garçon. Il a également fait construire une charmante demeure dominant son exploitation, entourée d’un rempart de conifères.


La maison de Rick, sur les hauteurs

L'abri construit par Rick, lieu de convivialité
Les cerisiers, couvrant un tiers de son terrain fruitier, leurs drupes se récoltent généralement dès la fin du mois de mai, et ce jusque la fin de celui d’août. Le nombre de cerises par arbre étant considérable, Rick avait construit un abri pour les « pickers » restant travailler chez lui durant l’été. L’année précédente, nous dira-t-il, il en accueilli environ vingt-cinq. L’abri se devait donc d’avoir une capacité d’hébergement honorable. L’endroit est long de vingt mètres et large de cinq. Situé au rez-de-chaussée, il est ouvert sur le jardin par l’absence d’un mur. Il est doté d’un équipement doublé : deux douches, deux doubles WC, et deux cuisines dans la même pièce : deux plaques et deux fours, deux éviers face à face, deux frigidaires et un lave-linge. Seul apport obligatoire : une tente que l’on plantera dans le vaste jardin.  L’été, on imagine l’ambiance dégagée par les jeunes travailleurs se partageant ce lieu. Il doit y avoir des rires, des pleurs, de la joie, de la tristesse et de l’amour.


Notre habitation, au milieu des pommiers et cerisiers
Renato et moi-même sommes chanceux d’avoir pour nous deux cet agréable et convivial lieu et cet espace. Nous commençons donc à travailler dès le jour de notre rencontre avec Rick. Nous commençons par cueillir une variété de pommes nommée Spartan, ce gros fruit rouge vif, créé en 1926 à Summerland, une ville à moins de 100 kilomètres de là. Les arbres sont très élevés et larges, leur circonférence, branches inclues, atteint trente mètres. Mais ils fournissent énormément de fruits, rendant leur récolte rapide. Nous nous occupons du bas des arbres, Rick et son employé à plein temps prenant en charge la partie supérieure des pommiers, à l’aide d’une nacelle télescopique et roulante. La tâche est somme toute relativement simple : cueillir un maximum de pommes en les déposants dans des sacs fixés sur notre ventre. Lorsqu’ils sont remplis, il s’agit de marcher jusqu’à une benne et de les vider par le dessous. Quand le contenant est plein à son tour, il nous faut conduire le tracteur sur quelques dizaines de mètres et l’échanger contre un vide. Effectuant la manœuvre chacun notre tour, c’est là le plus excitant !

Le tracteur, une réelle récompense
Plus tard et dans les jours qui suivent, nous attaquons d’autres variétés de pommes. La Red  Delicious, grosse pomme rouge aux rayures foncées, molle et sucrée. La Gala, fruit parmi les plus répandu dans la vallée, croquante et rouge aux reflets jaunes. La Fugi, pomme rouge très sucrée, d’origine japonaise comme son nom l’indique. Et enfin, la  McIntosh, variété découverte en 1811 en Ontario, province abritant la capitale du Canada, Ottawa. Cette pomme épaisse et rouge, tendant vers le bordeaux, juteuse et savoureuse, fait notre bonheur : pour un sac rempli, une pomme mangée. Et avec un débit de vingt à trente sacs quotidiens… Comme dit le proverbe, « one apple a day keeps the doctor away ». Et quid de celui qui dit « Thirty apples a day opens the toilet’s door » ?














Renaud TEILLARD

8 mai 2012

Le "picking" de pommes commence

La verdure au milieu du désert
Quelques semaines après notre arrivée dans l’Ouest canadien, et après cette première expérience dans la cueillette de piments et poivrons, nous voilà en quête d’un autre type de récolte : celles des pommes. Et les producteurs du Malus Pumila, fruit parmi les plus consommés du monde moderne, ne chôment pas dans la région. Il suffit de rouler sur la route principale pour se rendre compte de l’importance de cette industrie, au regard du nombre de vergers. Les modestes fermiers et les grandes exploitations se partagent le paysage.




Notre premier employeur dans les pommes
Pour prendre contact avec d’éventuels employeurs, l’expérience montre le succès du démarchage à domicile. Nous prenons donc notre Chrysler Intrepid pour aller directement à leur rencontre. Nous trouvons rapidement un fermier nous proposant de l’aider à récolter ses dix rangées de pommiers. Eduardo est d’origine portugaise, et étudia dans sa jeunesse dans une école d’ingénieurs, avec un échange d’une année dans une université de l’Est de la France. Ayant eu une opportunité d’emploi dans notre beau pays, l'homme y renonça, sachant le futur que son rêve lui offrait en Okanagan. Il réussit donc à s’installer dans cette région quelques décennies avant notre arrivée,  et planta trois variétés de pommes, ainsi qu’une vigne lui promettant une récolte personnelle très honorable. Durant trois jours, nous partageons notre temps entre la cueillette et les fréquentes discussions avec cet intéressant exploitant au train de vie aisé et visiblement heureux de ses réalisations personnelles et professionnelles. Mais cette expérience nous offre d’avantage un enrichissement personnel qu’une augmentation significative de notre capacité financière, la tâche étant rendue ardue par la particularité de sa plantation, par son exigence et par notre manque d’expérience en la matière. Quelque peu frustrés par ce premier contrat, nous en tirons les conséquences, et repartons motivés en recherche d’une seconde expérience.


Première expérience de "picking". Et en gants blancs, s'il vous plaît !

Nous réempruntons donc les routes de la région Sud de l’Okanagan et repartons à la rencontre des fermiers. Après en avoir vu quelques un sans succès, nous empruntons les routes sur les flancs des collines entourant la vallée. L’altitude nous offre une vue splendide : les montagnes désertiques entourent la luxuriante végétation permise par les exploitations des fermiers, telle la vallée du Nil et son filet de verdure au milieu du désert. Absorbés par ce paysage, nous en perdons notre chemin, roulant au pas au milieu des vergers, en quête de quelque indice qui nous donnerait une vague destination. Venant du sens opposé, nous voyons s’approcher un quad, conduit par un jeune quadragénaire. Nous arrêtons notre avancée et lui demandons notre chemin, et par la même occasion s’il connaît un producteur de fruits proche. Nous répondant qu’il tient lui-même son exploitation, nous lui demandons alors s’il recherche de jeunes gens motivés. Après une courte hésitation, il nous propose de le suivre chez lui pour discuter. Très rapidement, et notre origine européenne aidant, il nous offre un contrat de travail de trois semaines, rémunéré à l’heure. Il nous apprendra que plus tôt dans la matinée, deux personnes lui avaient téléphoné, et à qui il avait proposé notre poste. Les travailleurs avaient promis de se rendre chez lui dans le quart d‘heure suivant. Mais deux heures avaient passé lorsque nous nous étions présentés, et il avait alors décidé de changer ses plans. De surcroît, le fermier nous présente instantanément le lieu où nous pourrons rester, immédiatement  et gratuitement : une charmante construction équipée de deux douches, deux cuisines et deux WC… Ce jour-là, la chance a visiblement décidé de jouer en notre faveur !










Renaud TEILLARD

26 avr. 2012

Premier salaire britano-colombien



Notre travail quotidien
Une première semaine de labeur physiquement éprouvante se déroule lentement, pendant laquelle nous  remplissons quotidiennement une à deux tonnes de poivrons, de piments serranos et jalapeños. Ce sont ces derniers qui génèrent une grande partie du chiffre d’affaire de l’exploitation de Mr Gill. En effet, originaires du Mexique, ils sont extrêmement prisés dans l’industrie de la restauration de l’Amérique du Nord toute entière : on les retrouve même dans les plus grandes chaînes de fast-food, où de nombreux mets sont indiqués comme utilisant ce légume (le Mac Bacon & Jalapeño par exemple.) Fait amusant, le jalapeño est le premier piment à avoir voyagé dans l’espace, envoyé par la NASA. Sûrement voulaient-ils… donner du piment aux missions galactiques. Autre fait qui m’a beaucoup fait rire : la difficulté pour les anglophones de prononcer la Jota, transformant le J en H. Ou quand le Jalapeño devient le HHHalapeños…


Un Punjabi en Okanagan
Pendant ce temps, nous sommes seuls dans les champs, mis à part le beau-père de Mr Gill, un Indien du Punjab à la longue barbe grise, à la tunique blanche, au turban orange et avec une maîtrise de l’anglais proche de celle du Français moyen. Pendant un temps, le seul mot qu’il utilise est « Baketa .» Nous réalisons quelques jours plus tard que le terme utilisé est en fait « bucket » (un seau.) Mais avant, pensant trouver ici une quelconque parole indienne de politesse, nous l’utilisons chaque fois pour le saluer. Par la suite, lorsque je lui demande son nom, il me répond : « mmh. Baketa ! » Très bien… Bonjour, Seau ! Quelques jours plus tard, nous découvrons l’immensité de son savoir lorsqu’il nous montre le véhicule utilisé pour emporter les bennes pleines, en s’exclamant « tRRèktRR » Fantastique, nous venons d’apprendre un deuxième mot du Punjab !


Lors de cette expérience riche en piments, nous rencontrons également Pedro, un Mexicain employé à plein temps dans l’exploitation. Celui-ci, est responsable de la récolte de nos bennes, soulevées par son splendide tracteur bleu et emportées vers le bâtiment principal de S&G Farm. Extrêmement sympathique et souriant, plaisantant sans cesse, il nous apprend beaucoup sur son pays et sur la région de l’Okanagan. Néanmoins soucieux de la qualité de notre récolte, il ne tarit pas de commentaires : « Nooo ! Too muuuuch ! Garbaaage ! You know, my boss ! »

Notre ami Pedro
Une semaine après nos débuts en tant que cueilleurs, mon ami Renato et moi-même commençons à rechercher un véhicule. En effet, la chance qui nous avait offert un premier travail à moins de 4km de notre campement ne se reproduira sans doute pas. Et nous savons l’étendue de la région. Un bolide nous sera indispensable dans notre prospection de contrats temporaires, pour nous rendre sur nos futurs lieux de travail, et pour nous promener dans cette région qui semble promettre des paysages fantastiques. Nous mettons donc rapidement en quête dans les environs, et en demandant à la grande majorité des gens que nous rencontrons, ce qui tourne presque à l’acharnement. Nous rencontrons dans une station essence Seven Eleven Raphaël, un jeune Québécois lui aussi « picker », qui nous explique vouloir troquer sa voiture contre un minivan. Il accepte finalement de nous vendre sa voiture, un rutilante Chrysler New-Yorker, longue et large, aux sièges de velours, tels qu’on en voit conduites par les gangsters des films américains. Et le prix est plutôt agréable : seulement 500$. Mais, nous prévient-il, vous devrez apporter une légère réparation de l’ordre de 100$... L’expérience d’un certain van nous rend immédiatement très méfiant, même si l’homme nous propose de faire la réparation lui-même et semble sincère.


The shadow car
Et c’est finalement notre premier boss qui nous vendra sa voiture, une splendide Chrysler Intrepid blanche de 1997 : V6 sport, boîtier automatique, contrôleur de vitesse, une pure merveille pour seulement 1.000$ Nous profitions de notre première paye, en liquide et non déclarée, pour en faire l’acquisition. Un léger détour par l’unique compagnie d’assurance de la ville d’Oliver, et l’engin est nôtre. Nous apprendrons plus tard que le modèle était dix ans plus tôt l'un des plus utilisés comme voiture fantôme, ces bolides conduits par des trafiquants roulant le plus vite possible pour ne pas être attrapés par les forces de police. Liberté, nous voilà !








Renaud TEILLARD

4 avr. 2012

Histoire de l'Okanagan


Des membres d'une tribu de l'Okanagan
La vallée d'Okanagan, dans laquelle je serai resté plus de deux mois, se situe dans la province de la Colombie-Britannique. A 350 kilomètres à l’Est de Vancouver (au-delà de la chaîne montagneuse Columbia), à 150 kilomètres à l’Ouest des Rocheuses Canadiennes, elle est limitrophe de l’État américain de Washington. La région telle que connue actuellement date d’environ 10.000 ans. A la fin de l’ère glaciaire, lorsque les grands glaciers se retirèrent, ces derniers laissèrent dans leur sillage de vastes dépôts de gravier, de sable et de limon, offrant une terre riches en alluvions pouvant aisément permettre une agriculture raisonnable. Un immense lac glaciaire laissa peu à peu sa place à un immense chapelet de lacs, dont la superficie du plus grand correspond à 60% de celle du Lac Léman (soit 351 km²) bien que plus étendu. Il fut nommé Lac d’Okanagan, en référence à la première tribu établie sur ses berges. Le terme, Ukwnaqin en Salish, signifie « lieu où il y a de l’eau ». Ces Amérindiens étaient de redoutables chasseurs de cerfs et de caribous, et parfois de chamois et d'ours, et des pêcheurs chevronnés. La richesse de la faune de l'Okanagan permettait à cette tribu d'être bien moins nomade que ses semblables. En conséquences, elle se permettait de construire des abris fixes, majoritairement des « pit houses » ou maisons en fosse, érigées en creusant un trou de un à deux mètres dans le sol, recouvert de branchages et de peaux en guise de toit. Ces Indiens vécurent en autarcie quasi totale jusqu’à la conquête de l’Ouest canadien par les Occidentaux.


Exemple de "pit-house"

Emplacement de la vallée de l'Okanagan, en rouge
Ce fut en 1811 que le premier « visage-pâle » entra en contact avec les natifs. Il s’agissait de David Stuart, un marchand de fourrure écossais. Son cousin, employé à la Compagnie de la baie d’Hudson, ouvrit trois ans plus tard la première route commerciale. Celle-ci fut plus largement utilisée à partir de 1850 par les mineurs puis les missionnaires qui fondèrent la ville de Kelowna, aujourd’hui principale commune de la région. On commença par élever du bétail, industrie restant durant des années comme la plus rentable de la région. Puis on se mit à cultiver fruits et légumes. Parmi les premiers vergers canadiens, nombreux furent ceux qu’importèrent les Européens. Dans l’Ouest du pays, la Compagnie de la Baie d’Hudson planta les premières graines de pommier dans la région de Vancouver (1826.) Trente ans plus tard, les premiers vergers furent plantés dans la région de l’Okanagan. Et dans les années 1930, la première fabrique de vin fut implantée, et avec elle des technique d’irrigation pouvant permettre une culture à grande échelle, et qui put ainsi résister aux températures et à la sécheresse de la région.

Il convient ici de signaler que le Sud de la vallée constitue l’extrémité Nord du désert mexicain semi-aride de Sonora, reconnu pour ses immenses cactus pouvant atteindre quinze mètres de hauteur et son altitude élevée permettant l’installation de nombreux observatoires. Cette présence désertique confère à la ville frontalière d’Osoyoos  le statut de municipalité la plus chaude et sèche du Canada. On retrouve ainsi dans la vallée une faune et une flore unique dans le pays : serpents à sonnette, scorpions et lézards érigent leur habitat au milieu des cactus et autres plantes de désert.

La plus grande concentration de vignobles au Canada

Très rapidement, l’industrie fruitière connut un essor hors du commun. A la fin du XIXè siècle, le Coldstream Ranch faisait déjà partie des plus importants producteurs de l’Empire Britannique. Puis l’importance de la culture grandit encore d’avantage avec l’arrivée du chemin de fer en 1886. Et par la suite l’industrie vinicole, notamment grâce à l’importation de plants français, devint le moteur économique de la vallée d’Okanagan. Aujourd’hui, Oliver bénéficie du statut de ville ayant la plus grande concentration de vignobles au Canada.








Renaud TEILLARD

20 mars 2012

Premier jour de labeur dans l'Okanagan

Il est 5h15, et l’alarme nous extirpe brutalement d’un sommeil qui aurait mérité de gagner en durée. Mais la vie est telle qu’elle nous impose parfois quelque sacrifice. Nous disposons de trois quarts d’heure afin de nous préparer pour une journée qui s’annonce encore merveilleuse.

Un petit-déjeuner à l'aube au coin du feu

 Au menu du petit-déjeuner, du café dans des gobelets en plastique et des biscuits. Et rien de tel qu’un bon feu de bois pour chauffer l’eau du café, ce qui nous permet également d’obtenir une lumière « naturelle » venant éclaircir un matin encore assombri par l’obscurité. Un peu d’énergie procurée par nos gâteaux secs avant de prendre le chemin du travail, et nous voilà partis.


Le pouce... Mythe, ou réalité ?
Notre journée commence par une longue marche que nous annonce l’absence persistante de véhicule sur l'autoroute 97 (appelée ainsi bien que ne comportant qu'une unique voie par sens...), mettant peu à peu fin à notre espoir de rencontrer une âme bienveillante qui accepterait de nous prendre en auto-stop. Très heureusement, l’exploitation où nous nous rendons est située à seulement quelques kilomètres de notre campement, nous permettant ainsi d’arriver à l’heure prévue, et Dieu sait quelle importance est réservée à la ponctualité dans un monde où le temps prend une place considérable. Nous rencontrons Gill, le propriétaire de S&G Farm. L’homme est arrivé dans la vallée vingt ans plus tôt avec son épouse, en provenance de l’Inde, et a racheté ce terrain à l’un des très nombreux Portugais présents à l’époque. En effet, dans les années 1950, l’immigration portugaise fut massive dans le sud de la région, les Portugais fuyant la pauvreté, le chômage et la répression politique instaurée par le régime totalitaire de Salazar. Ceux-ci, en provenance majoritaire des Açores et de Madère, s’installèrent pour une partie dans la vallée d’Okanagan et contribuèrent largement au  développement de l’industrie fruitière. A partir des années 1980, de nombreux Indiens, pour la plupart d’origine Punjab, s’installèrent à leur tour et prirent possession des exploitations en vente.

L'exploitation de piments
Notre premier employeur de la province nous présente donc brièvement notre objectif, et le réveil nous extirpe d'. Celui-ci sera de récolter des piments et d’effectuer un tri sélectif des meilleurs fruits, et nous explique comment il nous rémunèrera : à la quantité, comme ce à quoi nous nous attendions. La tâche s’annonce agréable : le paysage est fantastique, le champ étant entouré de montagnes arides ; personne n’est sur place pour contrôler notre travail, nous assurant ainsi une grande autonomie ; et par-dessus tout, le temps est plus que clément, le soleil ayant chassé tout nuage du ciel azur. En conséquence, la température augmente considérablement au fur et à mesure que les heures passent. A 9h du matin, nous sommes ainsi obligés de retirer une partie de nos vêtements, nos corps n’étant point habitués au travail en plein air. L’occasion de faire une pause bien méritée.  Deux heures plus tard, la chaleur s’est intensifiée et la tâche s’avère plus difficile. Là aussi, la pause s’impose. A treize heures, le soleil se fait de plus en plus imposant, impression accentuée par la lourdeur de l’humidité. Accroupis au milieu du champ, nous cueillons piment après piment depuis 6h. Et c’est à ce moment précis que la faim fait son apparition, nous rappelant que notre sac est vide de victuailles, la seule nourriture que nous ayons ingurgité depuis le début de la matinée étant des barres céréalières agrémentées de piments… Écoutant notre estomac et nos corps fatigués, nous décidons de nous en arrêter là pour la journée. La récolte est plutôt légère : 3 bennes remplies, soit environ 750kg au total, ce qui nous fera 135$ à nous partager. Nous allons donc prévenir le « boss » de notre départ, et en profitons pour négocier notre rémunération à la hausse, compte-tenu du temps passé pour remplir une benne, qui est bien supérieur à ce qu’il nous avait annoncé. Nous obtenons gain de cause, avec un tiers de plus.
Gagner de l'argent à la sueur de son front

Très satisfaits de cette première journée de labeur intensif, et l’après-midi ne faisant que débuter, nous décidons de nous rendre en ville pour nous restaurer tout d’abord, et visiter ensuite. Mais le pouce, tant célébré par les Canadiens, ne porte pas ses fruits aussi facilement que ce que nous espérions, puisqu’il nous faudra près d’une heure et demie pour trouver preneur. En effet, les auto-stoppeurs sont loin d’être rares dans la région, et les automobilistes ne sont plus apitoyés. Nous arrivons enfin à Oliver sur les coups de quinze heures, le ventre serré par la faim. Nous choisissons de nous installer au premier restaurant qui nous tend les bras. Il s’agit d’un Fish & Chips, qui nous promet un repas digne des plus grands rois. Jamais l’attente d’un plat ne m’aura paru aussi longue. Les effluves du poisson grillé et des frites dorées me parviennent jusqu'aux narines que je dois rapidement boucher avant de succomber au supplice. Et lorsque cette nourriture m’est servie, je me force de ne pas tout avaler en une bouchée… Mais le festin tient sa promesse ! J’apprendrai par la suite que nombre de « pickers » passent par ce restaurant pour célébrer leur premier jour de travail ou leur première paye. Et ça vaut son pesant d’or !








Renaud TEILLARD


5 mars 2012

First day in the Okanagan Valley


Le lac d'Okanagan vu du ciel
Six heures de trajet en autocar sont nécessaires pour nous rendre dans cette petite ville d’Oliver. Cette dernière fait partie de la vallée d’Okanagan, dominée par le lac du même nom, au cœur même des Rocheuses. Long de plus de 110 kilomètres et large d’environ 10 km, cette étendue d’eau offre une terre des plus cultivables en Colombie Britannique (BC). La ville principale, Kelowna, est située pour la partie principale en plein milieu de la rive Est du lac et compte plus de 106.000 habitants. Fondée en 1859 par des religieux français qui y installèrent une mission, elle est aujourd’hui la troisième ville la plus importante de la province et bénéficie d’un développement sans pareil, notamment grâce à son climat exceptionnel : chaque année, seulement 300 millimètres de pluie, 1 mètre de neige et pas moins de 2.000 heures d’ensoleillement (soit près de la moitié du temps.)  Elle est surnommée par certains la Beverly Hill du BC en raison de son urbanisme, composé de modernes centres commerciaux et buildings rarement élevées,  de maisons basses et entourées de gazon anglais bien entretenu, et de véhicules clinquants et tape-à-l’œil. Nombre de ses habitants semblent également être de riches résidents promenant leurs minuscules chiens au bout d’une laisse ou dans leurs bras, habillés de survêtements roses et portant d'énormes lunettes de soleil dorées, et en prétendant faire de la marche sportive.
East Kelowna
Indépendamment de ce dernier détail qui, je tiens à le préciser, n’est qu’une impression personnelle, la ville de Kelowna est connue au Canada comme étant la plus riche de la vallée en vergers de toutes sortes, dont les fruits transitent jusqu’à Vancouver, vers les États-Unis d’Amérique et les autres provinces du pays. Chaque fruit a sa saison de récolte, et chaque mois de l’année à sa cueillette, mis à part les trois mois hivernaux. Pendant les périodes froides, au début du printemps et à la fin de l’automne, on cultive par exemple les raisins gelés pour en faire du vin de glace. Dès la fin avril et jusqu’au milieu de l’été survient le temps des cerises. A partir du mois d’août et jusqu’à l’automne, la cueillette des poires, des pêches, des prunes et en particulier des pommes bat son plein. Dès septembre, place aux vendanges. C’est là que les vergers sont les plus rentables, au regard du prix du produit fini : compter au minimum 10$ pour une bouteille de vin.


C’est précisément pour cette période que je me rends dans ce coin reculé du pays. Mais en ayant discuté avec plusieurs habitués de la cueillette, je me suis fait conseiller de ne pas me rendre à Kelowna en raison de sa taille. Ainsi, pour me déplacer de ferme en ferme, j’ai prévu d’utiliser mon pouce à outrance. Une ville plus petite serait donc plus judicieuse, et je choisis Oliver, petite ville quasi frontalière des États-Unis.
Le monstre Ogopogo qu'abriterait le lac d'Okanagan
La partie sud du lac d'Okanagan
 Nous arrivons au début de l’après-midi, sans aucune autre adresse que celle du Workzone. La taille de la ville étant si petite que trouver l’office du travail n’est pas la tâche la plus ardue. Le bureau propose des offres d’emplois, saisonniers ou à long terme, dont des dizaines dans le « fruit picking ».  Nous appelons quelques fermes via les annonces affichées, qui nous demandent tous de les rappeler le lundi suivant. Nous décidons alors de chercher directement des numéros de téléphone dans les Pages Jaunes. Le premier fermier que nous contactons nous demande de venir le lendemain à six heures trente pour commencer à travailler. Et nous nous rendrons compte par la suite que la meilleure façon pour trouver un emploi est de nous promener de ferme et ferme et de discuter avec les fermiers.







Le problème du travail étant résolu, il ne nous reste donc plus qu’à trouver un camping. Là encore en discutant avec les habitants de la ville, les Oliviers (quel drôle de nom), on nous apprend l’existence d’un camping situé à 7km au Nord de la ville, où la nuit est tarifée 5$, la semaine 25$ et le mois 75$. C’est là que débute notre aventure de « pouceux », comme ils disent au Québec. Dix minutes après avoir commencé à tendre bêtement le bras,  une magnifique Jaguar, noire et rutilante, s’arrête devant nous. Au volant, une grande et belle blonde pulpeuse, habillée à la manière des Sixties et portant la haute coiffe en chignon de l’époque. La femme, appelée Loulou, nous explique être chanteuse de cabaret et donner une représentation le soir-même sur le thème des années soixante. A notre grand étonnement, nous apprenons qu’elle est l’épouse d’un jeune pasteur actuellement en mission en Thaïlande Au fil de la discussion, elle nous invite à venir dîner chez elle la semaine suivante. Fantastique, nous disons-nous, à peine une heure après notre arrivée, nous avons déjà trouvé un emploi, un logement et une amie !





Loulou nous dépose donc au bas d’une côte au sommet de laquelle se trouve le Loose Bay Campground, possédé par un Québécois appelé Yvon. Nous plantons donc notre tente, puis faisons connaissance avec nos voisins autour d’un généreux feu de camp. Nous rencontrons ainsi Cristal, jeune et sympathique Montréalais de 18 ans ayant effectué la traversée du Canada en sautant à l’arrière des trains de marchandises, et venu passer l’été à travailler ici et là ; Gus, un punk Québécois d’une trentaine d’années, couvert de cicatrices aux bras, accompagné de deux Huskies beiges, très énergique et territorial au premier abord, et qui deviendra par la suite celui avec qui nous discuterons le plus (sûrement car nous sommes ses voisins directs) ; Tom, un canadien anglophone d’environ quarante-cinq ans, portant une longue barbe et une casquette rouge et usée, roulant dans une vieille Chrysler grise dont l’état ne permettrait que de parcourir de faibles distances.

Un évier de fortune
Passés les coups de neuf heures, harassés par la longue nuit précédente à Vancouver et la courte nuit dans le car, le sommeil nous oblige à écourter la soirée pour laisser Morphée nous amener au lendemain, qui se promet sûrement de révéler de nouvelles et riches aventures.








Renaud TEILLARD

23 févr. 2012

Arrival in Vancouver


Les plaines du centre du Canada
Près de 6 mois avaient passé depuis mon arrivée à Montréal. Le Canada offrant bien plus de richesses que le seul Québec, il était temps pour moi de quitter cette province et de partir à la conquête d’autres contrées. Ainsi, le dimanche 4 septembre à 7h55, un jet de la compagnie Air Canada Jazz décollait de Montréal, avec moi à son bord. L’engin effectua son ascension pendant une dizaine de minutes, puis stagna à peine quelques instants au-dessus des nuages, avant d’entamer sa descente vers notre escale, Ottawa. Le vol n’aurait à peine duré que 19 minutes, pour un transit de 2h… Record pulvérisé ! Le voyage vers l’Ouest canadien durerait quant à lui près de 6h. C’est incroyable de se dire que tant de temps de vol est nécessaire pour un trajet au sein d’un même territoire… Mais après tout, le Canada n’est simplement que le deuxième pays le plus vaste au monde ! 

L'une des vallées vues de l'avion
Les Rocheuses dans toutes leur splendeur
Passées les provinces de l’Ontario, du Manitoba, du Saskatchewan et de l’Alberta, nous entamâmes le survol de la Colombie Britannique et de l’impressionnante chaîne de montagnes que constituaient les Rocheuses. Au-dessous de nos pieds s’étalait un fantastique décor fait de montagnes qui s’élevaient à plus de 3800 mètres de hauteur, sur une largeur de plus de 1000 kilomètres. Au milieu d’entre elles, je pouvais contempler d’innombrables lacs tous plus bleus que le ciel, rappelant les eaux turquoises entourant les îles du Pacifique, et des vallées offrant de richissimes ressources en terres arables. Le paysage était magnifique, d’autant plus que je m’attendais à rester un mois au moins au sein de l’une de ces vallées.

Il était 15h heure locale lorsque j’atterris à Vancouver, cette agglomération de plus de 2 millions d'habitants. J’empruntai le Skytrain pour me rendre dans le Downtown et l’auberge que j’avais trouvée sur Internet. Dès mon arrivée dans le centre-ville, je fus subjugué par la beauté du lieu. Une ville des plus propres, extrêmement moderne au regard des tours faites de verre bleu, entourée par les montagnes et les pieds dans le Pacifique offrant des plages moins impressionnantes que la brésilienne Copacabana mais tout de même agréables. Elles possédaient de surcroît des noms assez recherchés : First Beach, Second Beach, Third Beach, et je vous laisse deviner les suivantes…

Le Downtown et la marina vus du Parc Stanley

La chambre à notre arrivée...
The American Backpacker, l’auberge dans laquelle je m’installai, était située sur Pender Street West, au coin avec Homer Street, non loin du Chinatown. Le troisième quartier chinois le plus important d'Amérique du Nord proposait quelques supermarchés me permettant de me ravitailler en nouilles, beignets de crevettes, soupes et autres mets asiatiques à bas prix. Les tarifs de l’auberge, quant à eux, n’étaient pas non plus des plus élevés, avec seulement 10$ pour une nuitée en dortoir de 6 lits. Conformément à son prix, l’endroit n’était pas des plus salubres. Les plafonds étaient généreusement fissurés, certaines portes ne fermaient plus, les matelas offraient de cruels massages avec leurs vieux ressorts pendant le sommeil, le balai ne semblait pas être passé très régulièrement sur le sol en linoleum craquelé et bosselé, et mes camarades de chambre  n’étaient pas les plus ordonnés qui soient. Néanmoins, comme tout endroit sur terre, ce n’est pas le lieu mais les hommes qui le peuplent qui font l’impression. Et j’y rencontrai bien des gens sympathiques, joviaux et intéressants. Des Québécois revenant de la cueillette des fruits dans la vallée d’Okanagan, un jeune couple de Français installés à Toronto (en Ontario, dans la partie Est du Canada) en visite de la côte Ouest de l’Amérique du Nord, un Argentin coincé à Vancouver pour avoir perdu son passeport dès son arrivée à l’aéroport, et de très nombreux Asiatiques. La ville en était en effet peuplée, à tel point que l’on aurait aisément pu la comparer à n’importe quelle ville moderne d’Asie. Ainsi, lorsque je sortis pour la première fois du SkyTrain, la rue était fermée car avait lieu un festival japonais dont le nom se rapprochait de Li-Tsi, Ji-Tsu ou Tu-Tsi. Je me tournai vers mon ancien colocataire et copropriétaire du van, qui m’accompagnait dans ce périple, et lui demandai : « mais dis-moi, Renato, sommes-nous arrivés par mégarde jusqu’à Hong-Kong ? » Par ailleurs, certains surnomment même la ville Hongcouver. 



Le Chinatown de Vancouver
Ayumi et ses chefs d'oeuvre de calligraphie


A l’auberge, les Japonais surpassaient de bien loin toutes les autres nationalités par leur nombre. Je rencontrai ainsi Mao et Ayumi, deux jolies puéricultrices âgées respectivement de 23 et 29 ans, la dernière nommée nous faisant partager ses connaissances en calligraphie japonaise et chinoise ; Zac, un jeune voyageur énergique en quête d’aventures au travers du Canada ; Dao, un jeune travailleur en transit bientôt de retour au pays du soleil levant, et bien d’autres avec qui nous passèrent du bon temps. La grande majorité, à mon plus grand étonnement, venaient tout droit de Tokyo.



Un vendeur de hot-dogs urbain
Le Parc Stanley
Je passai ainsi trois jours à Vancouver, à me promener le long des rues du Dowtown (apparemment très inspiré de l'urbanisme de San Fransisco) et de ses tours futuristes, de la marina emplie de yachts tous plus clinquants les uns que les autres et faisant face à la barrière montagneuse des Rocheuses, ou du Parc Stanley situé sur la péninsule Nord du centre-ville (troisième plus grand parc urbain d'Amérique du Nord) et regorgeant d’oiseaux en tous genres. J’eus même la chance de profiter du spectacle incroyable d’un pêcheur vidant ses poissons et donnant nonchalamment les restes à quatre phoques, au beau milieu du port. Puis j’appelai le Workzone d’Oliver, petite ville située dans le Sud de la vallée d’Okanagan, à 400 Km à l’Est de Vancouver. L’Office de Travail m’informa que le travail ne manquait pas. Nous décidâmes donc, avec mon compagnon de voyage, de réserver deux billets de bus pour le surlendemain. L’heure de départ était fixée à 6h. Pour s’offrir une aventure supplémentaire, nous décidâmes de ne pas payer la nuit à l’auberge et de veiller jusqu’au départ. Nous fîmes nos bagages et attendîmes donc toute la nuit, en compagnie des irréductibles somnambules de l’American Backpacker, avec qui nous passèrent une nuit endiablée entre les bars du quartier et le salon de l’auberge. L’heure du départ sonna enfin, et nous nous rendirent à la gare d’autobus de la compagnie Greyhound. A peine le véhicule démarra-t-il que je m’endormis, rêvant aux futures aventures que j’allai vivre. Et Dieu seul savait à quel point je ne serais pas déçu…


Ceux qui nous aidèrent à "patienter" pour le bus
Vue depuis la marina vers le bras de mer Burrard Inlet









Renaud TEILLARD